Le toucher, outil privilégié de la communication non verbale

Des étudiantes en soins infirmiers de l’Ifsi de Beaune ont souhaité approfondir leurs connaissances sur le toucher dans les soins. Dans le cadre des unités d’enseignement optionnels des semestres 5 et 6, elles ont vécu une expérience enrichissante.

Dans le cadre du rôle propre infirmier, les approches non médicamenteuses, notamment autour du toucher, sont intégrées à la prise en soins. Elles favorisent le confort et le bien-être des patients. Ces soins relationnels permettent de développer la communication non verbale et d’enrichir la relation soignant-soigné. Le toucher peut aussi modifier la représentation du soin et l’appréhension qui en découle.

Après avoir revu les fondamentaux du toucher avec une infirmière de l’équipe mobile de soins palliatifs du centre hospitalier de Beaune (Côte d’Or), nous avons appris à nous réapproprier notre corps. Cela nous a aidées pour entrer en relation avec les résidents du Centre Nicolas-Rollin, un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) où nous avons mené notre action.

Par la suite, l’équipe de toucher-détente de l’Ehpad nous a accueillies et associées à leurs activités. Réparties en quatre groupes et accompagnées d’une professionnelle, nous avons pu consacrer un temps de bien-être dédié aux résidents. Chacune des séances, individuelles (massage des bras et jambes) ou collectives (massage des mains), nous a permis d’établir un lien direct peau contre peau. Le toucher s’est révélé un outil privilégié de communication non verbale.

Paroles d’étudiantes

De façon individuelle, les étudiantes s’expriment sur le vécu expérientiel suite à leur action.

Communiquer avec le patient

Émilie décrit cette relation: « J’ai pu ressentir avec la résidente un lien privilégié alors que je ne la connaissais que depuis quelques minutes. Au fil du soin, je ressentais un bonheur et une joie immense de lui transmettre ainsi du confort. »

Le toucher-détente a été adapté à chaque situation avec des objectifs définis par l’équipe, comme le rappelle Nadjiba: « La détente, la diminution de la douleur, le mieux-être ont facilité l’expression émotionnelle du résident, permettant ainsi une meilleure communication avec les autres résidents lors d’une séance collective dans un salon. »

Massage à huit mains

Les étudiantes ont eu l’occasion de réaliser un massage à huit mains.

Mélanie relate ce moment: « En réalisant ce début de massage à deux mains pour le finir à huit mains, j’ai pu remarquer que la patiente se détendait au fur et à mesure de celui-ci. Cela s’est caractérisé par une décrispation et un lâcher-prise. Les huit mains ne semblaient faire qu’une, engendrant ainsi bien-être et confort pour la patiente. J’avais l’impression qu’une symbiose s’était instaurée, occultant de ce fait l’environnement de l’Ehpad ».

Maud ajoute: « Une sensation de bien-être s’est ressentie, accompagnée de frissons partagés …Ce moment fut très fort en émotions, avec l’impression d’une osmose et de ne faire qu’un. »

Professionnalisme et intuition

Le toucher-détente s’appuie sur des fondamentaux professionnels tels que la sécurité, la recherche du consentement, du confort et du bien-être. Il laisse place à la spontanéité et au feeling comme l’évoque Audrey : « Le bien-être de la résidente au fil du toucher-détente se transmettait dans toute la pièce. Les mouvements qui étaient, au début, hésitants, devinrent des mouvements de toucher d’intuition ».

Regards de formateurs

Cet atelier toucher-détente proposé dans le cadre de l’unité optionnelle (UE 5.7 S5 et S6) avait pour finalité de donner du sens à ce geste auprès des personnes âgées mais aussi de permettre aux étudiantes de réfléchir à ses différentes dimensions dans la relation soignant-soigné. Ce moment a permis aux étudiantes de vivre une situation inédite de partage avec l’autre. Cet atelier a été rendu possible grâce à l’engagement de l’équipe de toucher-détente du Centre Nicolas-Rollin et à l’implication des étudiantes.

Virginie nous fait part également de son ressenti lors d’un massage à huit mains où elle a progressivement pris confiance et laissé place à son intuition: « Les premiers gestes, un peu maladroits, sont devenus naturels en quelques instants. Puis quelque chose d’inexplicable s’est produit: nos huit mains n’en formaient plus que deux. Nous étions en symbiose avec la patiente. Elle qui ne pouvait parler, communiquait avec nous avec sa peau. Une belle relation s’est installée entre nous toutes. Nous étions dans notre bulle. »

Cette expérience a permis à Ophélie de prendre conscience de sa posture et de la réajuster pour améliorer la qualité du soin: « J’ai réalisé l’importance d’être bien installée lors du toucher-détente. À plusieurs reprises, j’ai dû changer de position pour être à l’aise lors du soin. J’ai ainsi pu établir un échange constructif et bénéfique pour le résident et moi-même.»

Une interaction harmonieuse

Pendant et après le soin, nous avons observé les bienfaits du toucher. Même une résidente qui jusqu’alors refusait ce soin a participé à une séquence de groupe.

Cette expérience est décrite par Isabelle: « Les professionnelles étaient très étonnées. Moi j’étais ravie d’avoir su “apprivoiser” cette résidente dans cette dimension relationnelle. J’ai pris mon temps certes, mais ce qui compte c’est de lui avoir fait vivre un moment de bien-être. L’interaction au cours du soin m’a comblée sur le plan émotionnel et relationnel. J’ai été autorisée par la résidente à entrer dans sa sphère intime, ce qui m’a permis de trouver la clé de notre relation et de donner un sens au massage. »

Au-delà du soin, cet atelier a permis le partage d’émotions à plusieurs niveaux, comme le soulignent Anaïs et Marie: « Le résident semble anxieux; il gémit. Nous commençons par lui toucher le bras puis nous chauffons l’huile dans nos mains. Au moment où nous posons nos mains avec l’huile chaude, il cesse de bouger et n’émet plus de gémissement. Il semble s’apaiser. Il nous serre la main très fortement tout au long du soin. Il nous regarde avec insistance, on a l’impression qu’il nous remercie pour ce moment. Nous prenons alors conscience de l’importance de la communication non verbale. À la fin du soin, le résident nous fait un sourire. Malgré l’absence de communication verbale, nous avons partagé beaucoup de joie, de plaisir et de la satisfaction. »

En conclusion

Considérant cette expérience comme une plus-value dans leur formation, les étudiantes estiment avoir découvert une autre approche du soin. La dimension bien-être procurée aux résidents revalorise, selon elles, la personne et le soignant par un enrichissement mutuel.

Elles retiennent également de l’expérience qu’il n’y a pas forcément besoin de plus de temps mais que tout réside dans l’intention, l’implication et l’échange. Le toucher-détente améliore ainsi la qualité du soin, voire le vécu de l’hospitalisation. Estimant avoir reçu autant de plaisir qu’elle en a suscité, Nadège souligne : « C’était magique, nous ne pouvions pas nous arrêter de sourire. Il est des instants comme celui-là, enrichissant humainement parlant et surtout inoubliable. » Manon ajoute : « Beaucoup d’émotions sont ressorties de cette situation, la plus forte fut le plaisir d’avoir réussi à détendre la personne et de lire la satisfaction dans son regard. »

Remerciements

Aux 12 étudiantes de 3e année (promotion 2013-2016) qui ont contribué à la rédaction de cet article : Maud Bailly-Michel, Nadège Blondel-Cognard, Manon Brandao, Émilie Bruyant, Audrey Colas-Jacquet, Marie Cornu, Ophélie Guidot-Xolin, Isabelle Hazart-Garnier, Anaïs Marc, Nadjiba Messadi-Belaabed, Virginie Meynier Vauchet et Mélanie Ravry.

Virginie Brelot: cadre de santé formateur, Dominique Conrath : cadre de santé formateur

Ifsi, Avenue Guigone de Salins, BP 40104, 21203 Beaune, France 

Brelot V; Conrath D, Revue De L’infirmiere [Rev Infirm], ISSN: 1293-8505, 2017 Aug – Sep; Vol. 66 (233), pp. 51-52; Publisher: Elsevier Masson;

 

 

 

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