« Il y a une puissance politique du toucher »

Pourquoi le toucher est-il le sens qui résiste le plus à la numérisation ? La société du « sans contact » est-elle vraiment inéluctable ? À l’occasion de la sortie en librairie, ce vendredi 13 janvier, de son livre Des Mains heureuses, archéologie du toucher (Seuil, 2023), nous publions ici l’entretien que la journaliste Claire Richard nous avait accordé il y a quelques mois et qui était paru dans le dossier sur la « disparition » du corps de notre numéro d’octobre 2022.

La main, une puissance technique et relationnelle

La main permet, dès la naissance, de nous approprier le monde qui nous entoure grâce à ses récepteurs sensibles. Elle fait le lien entre le geste technique et la relation dans le soin. Si elle peut faire autant de bien que de mal, la main nous oblige à penser cette interaction par le toucher pour perfectionner nos pratiques professionnelles en fonction des histoires de vie, des sensibilités des personnes que nous soignons mais aussi des nôtres.

La main est un objet de découverte, de compréhension du monde, une merveille par laquelle passe la majorité de nos actes et de nos intentions envers nous-même et les autres. Nous nous développons, transmettons et apprenons en grande partie par la main. Elle est un art du corps.

Claire Richard : « Sans le toucher, les bébés comme les vieillards dépérissent et meurent »

Vendredi 10 février 2023 France Culture

Rencontre avec l’écrivaine Claire Richard à l’occasion de la parution de son livre « Des mains heureuses : une archéologie du toucher » aux éditions du Seuil.

Dans une approche mêlant archives web, témoignages, journal intime et sciences humaines, Claire Richard livre une réflexion sur l’importance du contact physique dans les relations humaines, comme dans l’éducation des enfants. Dans un monde post-covid où prime le numérique, l’autrice répertorie les gestes qui marquent la vie des hommes, de la naissance à la mort.

Psychanalyse du toucher à l’ère du numérique : la main empêchée ?

 

Nathalie Cappe, Éric Bidaud

 

Nathalie Cappe, doctorante, département d’études psychanalytiques, Paris 7, Diderot, ED 450, créatrice et styliste textile, professeure d’arts appliqués en établissement régional d’enseignement adapté, diplômée du master 2 Recherche Psychologie-parcours Psychanalyse et champ social, université Paris Cité, 5 rue du Gros Chêne ; F-95130 Franconville. nath.cappe@orange.fr

Éric Bidaud, professeur de psychopathologie clinique, psychologue clinicien, psychanalyste, co-responsable du master psychopathologie clinique psychanalytique, département d’études psychanalytiques, membre du centre de recherche Psychanalyse médecine et société, ufr ihss (Institut Humanités, Sciences et Sociétés), université Paris Cité, 19 rue Serpente ; F-92700 Colombes. eric.r.bidaud@wanadoo.fr

 

Érès | « Cliniques méditerranéennes »

2022/2 n° 106

 

La révolution freudienne s’est faite à l’aube de l’ère industrielle, un moment où, sans doute, le sujet occidental amorçait le « deuil » progressif du travail manuel. L’industrialisation ayant aujourd’hui remplacé la main de l’homme dans la fabrication de nombreux objets, on peut s’interroger sur les incidences subjectives des écrans et robots, jusqu’au « sans contact ».

Limitent-ils un peu plus le champ des expériences sensibles de la main ?

Qu’en est-il du rapport du sujet contemporain à « l’instrument des instruments » (Aristote) ? Un objet « fait-main » (subjectivé et unique) reçu en cadeau adresse un tout autre message que le même type d’objet (anonyme et standardisé) fabriqué industriellement. La main qui s’engage dans l’action et le don, le « toucher », sont-ils en passe d’être refoulés tel l’odorat par le « progrès » technique ? Quelles hypothèses peut-on tirer de ce réel, relativement à la subjectivité et l’inconscient, et la question de l’adresse, tant langagière que manuelle ?

Le toucher, premier mode de communication parents-enfant

Caroline Bresson

Puéricultrice, responsable en établissement d’accueil du jeune enfant

 

La qualité de la relation que les parents établissent avec leur enfant, dès les premiers mois de sa vie, exerce une influence déterminante sur son développement global, sa capacité d’adaptation psychologique et son développement cognitif, affectif, physique et moteur. En tant que professionnels de la petite enfance, nous nous devons de veiller au bien-être des enfants, ce qui va bien au-delà de répondre aux simples besoins fondamentaux. Le toucher est un moyen de communication qui permet de prévenir, renforcer ou guérir le lien unissant les parents à leur enfant et de favoriser indéniablement le bien-être de chacun.

LPEV Laboratoire

LPEV, Laboratoire de Phytomicronutrition et Energie du Vivant, est un laboratoire français implanté au cœur de l’Auvergne depuis plus de 25 ans.

Haute qualité des produits, innovation, sécurité.

Les produits LPEV utilisent des composés aux propriétés reconnues ayant fait l’objet d’observations scientifiques et privilégiant le plus possible l’origine naturelle et biologique des matières premières.

Le toucher, pilier du développement du cerveau

 

Une équipe de chercheurs français explore une nouvelle piste dans la compréhension des troubles cognitifs : l’altération du sens du toucher chez les bébés, en particulier les bébés nés prématurément

Le toucher est la forme la plus primitive de lien au monde extérieur. C’est le premier sens à apparaître chez le fœtus, le premier à susciter des réflexes et à alimenter le cerveau en informations. Au point que certains chercheurs pensent qu’il modèle nos mécanismes mentaux, et conditionne la façon dont nous appréhenderons notre environnement en grandissant.

Dans l’unité de recherche mixte COMETE, rattachée à l’Université de Caen Normandie et à l’INSERM, des chercheurs étudient la précocité du traitement des informations tactiles par les nouveau-nés, et explorent les liens possibles entre capacités de traitement de ces stimuli et qualité du développement cognitif des enfants. Leur hypothèse : un développement anormal du toucher pourrait contribuer aux pathologies neurodéveloppementales, tels les troubles de l’attention et ceux du spectre de l’autisme. Si le lien est établi, l’évaluation des perceptions tactiles des bébés pourrait devenir un instrument de dépistage très précoce de ces troubles, et constituer le point de départ de thérapies tactiles d’un nouveau genre pour les prévenir ou mieux les soigner.

Nadège Roche-Labarbe, Maître de conférences en Psychologie à l’Université de Caen Normandie, dirige ces travaux pionniers sur les compétences sensorielles des nouveau-nés et leurs possibles liens avec les troubles du neurodéveloppement au sein du laboratoire COMETE. Entretien.

Le toucher, un sens discret mais essentiel

L’étude du toucher, longtemps parent pauvre des recherches sur les sens, vient enfin d’être couronnée par un prix Nobel. La palette des fonctions du toucher est pourtant étonnamment vaste.

Exploration avec Vincent Hayward, pionnier de ces recherches.

Il a toujours été difficile de parler du toucher humain avec clarté. Aristote, d’ailleurs, avait suggéré que le sens du goût était une sorte de toucher puisque les sensations perçues par le goût dépendent, comme par le toucher, d’un contact direct de notre corps avec les choses dont on veut percevoir les propriétés. Le toucher est aussi le sens qui nous permet d’appréhender les objets dans un sens littéral. Sans lui, saisir un verre, fermer un bouton de chemise ou lancer une
balle sont des entreprises incertaines et laborieuses. Il permet l’exécution de ces tâches d’une
façon automatique et inconsciente. La très rare perte radicale de toucher rend son essentialité évidente. Il y a une ambiguïté historique entre les notions de « saisir » et de « sentir » qui fut clarifiée par l’école allemande de psychologie au début du XX e siècle.
Ces chercheurs ont introduit le mot « haptique » (« haptische », d’une racine grecque) pour signifier le guidage de la main par le toucher et ont insisté sur la nécessité du mouvement pour obtenir la connaissance tactile des objets. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1967 que le chercheur russe Alfred Yarbus a documenté le rôle crucial du mouvement des yeux dans la vision humaine en montrant l’existence de rapides saccades oculaires intervenant entre des fixations plus longues.
La découverte de l’importance du mouvement pour le sens du toucher humain a donc anticipé celle pour la vision. Cependant, les différences sont marquées.
Si les fixations rendent la vision possible par la stabilisation de l’image rétinienne, dans le toucher c’est au contraire le glissement mécanique des doigts sur la surface des objets qui est à l’origine d’une partie importante des sensations conscientes. Un bon exemple est celui de la lecture du braille, au cours de laquelle les doigts du brailliste glissent sans cesse avec légèreté sur les dômes de taille millimétrique qui forment les caractères en braille. Souvent, plusieurs doigts exécutent une chorégraphie simultanée réglée par le contenu du texte qui est lu. Par contraste, quand on promène son chien, le moindre glissement entre la laisse tenue dans la main et la peau
provoque un réflexe de raffermissement de la saisie dans un délai inférieur à 100 millisecondes.

Transferts et médiations corporelles : comment passer de la sensation à la représentation ?

Agnès Molard

Dans Cliniques 2016/2 (N° 12), pages 42 à 62

L’auteur présente une réflexion sur l’intérêt thérapeutique des médiations corporelles en relaxation et massage auprès de jeunes adolescentes présentant des troubles du comportement alimentaire. Les exemples cliniques montrent que ce sont surtout les inductions du thérapeute et la manière dont il entre corporellement en contact avec le patient dans la relation transféro-contre-transférentiel qui font office d’interprétation. En effet, dans le cadre de la médiation corporelle, que ce soit par massages ou relaxation, les interprétations directes du thérapeute sont rares. La relation passe essentiellement par un langage corporel : soit les patients sont invités à exprimer le contenu de leurs expériences, sensations, éprouvés, émotions, associations de pensées, images, soit à rester sur l’expérience vécue dans la séance. En outre, l’auteur discute les articulations entre le travail à médiation corporelle d’inspiration psychanalytique et les psychothérapies classiques reposant sur l’élaboration verbale.

« Mon corps est aussi le corps de violette. L’odeur de Violette est comme ma deuxième peau. Mon corps est aussi le corps de papa, le corps de Dodo, le corps de Manès… Notre corps est aussi le corps des Autres ».

(Pennac, 2012, p. 42)

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