Impact de la nature des soins sur la sécrétion d’ocytocine chez l’enfant prématuré – USA – 2018

Dans cette étude originale, les chercheuses en sciences infirmières ont voulu déterminer si les soins avaient un impact sur la sécrétion d’ocytocine des enfants prématurés.

L’ocytocine, appelée aussi hormone de l’attachement, est sécrétée par l’hypothalamus, et influe à la fois sur le fonctionnement du cerveau et des organes cibles périphériques tels que le cœur, le système digestif ou les reins. Sa sécrétion est corrélée aux expériences sensorielles vécues par le bébé, et interagit avec des systèmes biologiques cruciaux tels que l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien – dit « axe du stress » -, le système nerveux autonome et le système dopaminergique. Ces interactions produisent des changements hormonaux qui influent de façon significative les processus neurologiques et neuro-développementaux. L’ocytocine est aussi également impliquée dans la cognition sociale et la régulation émotionnelle.

Toutefois, aucune recherche n’a encore été conduite sur le système ocytocique chez l’enfant prématuré, et aucune donnée sur les taux normaux d’ocytocine n’a été publiée concernant les nouveau-nés et les enfants humains, alors que des données existent chez l’adulte et chez l’animal.

Les infirmières ont un rôle clé pour apporter aux bébés et modéliser auprès des parents, des expériences sensorielles, favorable au lien, à l’attachement et au développement social et émotionnel du bébé.

Introduire la mesure du taux d’ocytocine dans une recherche sur l’enfant prématuré offre l’opportunité d’évaluer de nouvelles interventions en vue de soutenir les processus d’attachement parent-enfant et les processus neurobiologiques favorables à son développement socio-émotionnel.

Plusieurs facteurs sont connus comme pouvant, potentiellement, impacter le système de l’ocytocine chez le bébé et influer ainsi sur son développement cérébral :

  • le lait maternel, frais, réfrigéré, congelé ou pasteurisé, contient naturellement de l’ocytocine, en d’autant plus grande quantité après à la fin de la tétée au sein (stimulation de la production d’ocytocine maternelle qui augmente l’ocytocine présente dans le lait), mais on ignore si cela impacte les niveaux d’ocytocine chez l’enfant prématuré ou à terme.
  • le toucher : est un stimulant connu de la production périphérique d’ocytocine chez les humains. Si on sait que père et mère ont des niveaux d’ocytocine augmentés pendant et après le peau à peau, on ignore ce qu’il en est pour leur bébé. Tout comme on ignore si le fait de contenir l’enfant ou de le porter, que cela soit par ses parents ou un autre donneur de soins, influe sur sa sécrétion d’ocytocine.
  • l’exposition à des stressors : on sait que le fait d’avoir des taux d’ocytocine élevés permet de faire face au stress de façon plus efficace, en réduisant les niveaux de cortisol et d’ACTH. On a aussi montré qu’un changement de couche chez l’enfant prématuré représentait un stressor, capable d’augmenter de façon significative les taux de cortisol à la suite de ce soin.

Les chercheuses ont fait comme hypothèse que les taux d’ocytocine plasmatique du bébé pourraient être corrélés à :

  • la quantité de lait maternel ingéré
  • la quantité de repas ingérés, indépendamment de la qualité du lait administré (maternel, lait de donneuse ou substitut du lait humain),
  • la durée des contacts peau à peau ou des portages, quelque soit le donneur de soin
  • le nombre d’expériences représentant un stressor  pour le bébé

Et ont pratiqué des mesures des niveaux plasmatiques d’ocytocine chez 33 prématurés âgés de plus de 25 SA et de moins de 29 SA, en excluant les bébés présentant des problèmes médicaux connus pour retentir sur le développement cérébral et la neurobiologie. Les volumes et la qualité des repas ingérés par les bébés ont été suivis. Le nombre d’heures de » toucher », comprenant, à la fois le peau à peau (administré par les parents), le portage enveloppé dans un linge administré par un adulte (parents, grand parents, infirmières ou autre) ont été enregistrées en séparant les heures de peau à peau et les heures de portage au bras. L’exposition à des stressors a été mesurée et pondérée en fonction de leur nature, à l’aide de la Neonatal Infant Stressors Scale – NISS, incluant les procédures douloureuses, la ventilation mécanique du bébé ou encore les manipulations.

Les résultats montrent que :

Seule la durée de peau à peau au cours des 8 dernières heures, influe de façon statistiquement significative sur les taux d’ocytocine mesurés chez le bébé, et de façon doso-dépendante avec une augmentation de 17% des taux plasmatiques d’ocytocine par tranche de 10 minutes de peau à peau.

Il est par ailleurs possible, selon les auteurs, que le peau à peau favorise la maturation de la régulation de la sécrétion d’ocytocine chez l’enfant prématuré.

Limites de l’étude :

Les auteurs font état de plusieurs limites. L’étude a été menée dans une seule région géographique. La sécrétion d’ocytocine n’a pas été mesurée en post-prandial immédiat chez les bébés, ou immédiatement après le soin peau à peau, ou immédiatement après un évènement représentant un stressor. C’est une étude observationnelle seulement et des recherches ultérieures seront nécessaires pour confirmer ces résultats.

La conclusion des auteurs :

Cette étude est la première étape pour comprendre par quelles voies l’ocytocine agit et pourrait minimiser les effets des évènements représentants un stressor; c’est à dire promouvoir le neuro-développement de l’enfant prématuré.

Ça ne vous donne pas envie de faire du peau à peau ce genre d’étude ?

Auteur : Laurence GIRARD

26 mars 2018

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