En collaboration avec Dr Serge Marchand, spécialiste de la douleur, professeur titulaire à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et directeur scientifique du Fonds de recherche du Québec — Santé (FQRS) 12/02/2018
Véritable centre de contrôle de l’organisme, le système nerveux recueille et analyse à chaque seconde une quantité impressionnante d’informations qui permettent au corps de s’adapter à son environnement. Mais peut-on moduler son activité? Le point sur l’effet du massage sur le système nerveux.
Grâce au toucher, nous recevons de l’information sur l’environnement dans lequel nous évoluons : la sensation d’une brise fraîche sur notre peau par une chaude journée d’été, la caresse d’une mère à son nouveau-né, le contact avec une surface lisse ou rugueuse, chaude ou froide, le réconfort, la tendresse. Mais pour en arriver à distinguer ces sensations, encore faut-il les interpréter.
Pour ce faire, notre système nerveux s’avère un véritable chef d’orchestre. Ainsi, lorsqu’une personne pose sa main sur notre bras, les récepteurs sensoriels de la peau perçoivent la sensation. Ils transmettent l’information aux nerfs, qui convergent vers l’encéphale et la moelle épinière. C’est là, dans le système nerveux central, que les données sont analysées et interprétées. Une réponse motrice est par la suite élaborée, puis acheminée par les nerfs jusqu’aux différents organes du corps, avec pour résultat une réaction à la sensation initiale : douleur, chaleur, stress, apaisement, relaxation.
Une question d’équilibre
Les fonctions du système nerveux vont cependant bien au-delà de l’interprétation des sensations. En réalité, le système nerveux permet à l’organisme de s’adapter à l’environnement dans lequel il évolue et, au besoin, de faire face à un stress. Lors d’une activité physique, par exemple, nous transpirons afin de réguler notre température corporelle, nos cellules sont nourries grâce au glucose libéré dans le sang, notre rythme cardiaque s’accélère pour apporter oxygène et nutriments à notre cerveau. Si, au contraire, nous sommes allongés dans un endroit calme, notre rythme cardiaque diminue, tout comme notre respiration et notre pression artérielle. Le corps s’ajuste naturellement au climat, à l’ambiance, au milieu dans lequel il se trouve.
La branche du système nerveux qui joue le rôle d’accélérateur et de frein dans l’organisme est le système nerveux autonome. Ce système présente deux ramifications aux activités contraires, mais complémentaires. On distingue ainsi le système sympathique, qui mobilise les différents muscles et organes en situation de stress, et le système parasympathique, qui vise plutôt le retour à l’équilibre en contrant la réponse au stress (voir tableau 1).
Selon toute vraisemblance, le massage permettrait d’accélérer le retour à la normale à la suite d’un stress physique ou psychologique en stimulant l’activité de la branche parasympathique du système nerveux autonome. Les recherches sur le sujet ont en effet montré qu’en amenant le corps vers un état de relaxation et de bien-être, le massage entraînait une diminution significative du rythme cardiaque et du taux de cortisol, deux indicateurs physiologiques du stress chez l’être humain[1][2][3]. Les études montrent également que l’action du massage sur le système parasympathique est rapide et peut se mesurer après quelques minutes d’intervention seulement.
Court-circuiter la réponse de douleur par le massage
En rejoignant le système nerveux, le massage provoque une cascade d’événements menant au bien-être et à la relaxation. Il fera aussi naître un lien de confiance entre le massothérapeute et son client, tout en favorisant une meilleure conscience corporelle et une plus grande estime de soi. Mais son action irait plus loin, jusqu’à court-circuiter les signaux douloureux envoyés par le système nerveux.
On peut certes constater la réponse du système nerveux en présence d’une douleur aiguë. Lorsqu’on se frappe l’index avec un marteau par exemple, les nocicepteurs, ces récepteurs sensoriels de la douleur, envoient un signal d’alarme au cerveau, qui nous fait retirer rapidement notre doigt d’en dessous du marteau. Malgré tout, une douleur apparaît et, pour la contrer, nous aurons le réflexe de nous frotter le doigt. Pourquoi? En provoquant une stimulation tactile, nous envoyons un influx nerveux sensitif au système nerveux central (SNC), ce qui bloque le message de douleur.
Ce concept, appelé la théorie du portillon, a été développé par Ronald Melzack et Patrick Wall dans les années 1960. Il veut qu’en amenant des informations non douloureuses, par exemple par le toucher, le système nerveux modifie sa réponse et ferme la porte aux signaux nociceptifs. Le massage s’avère donc intéressant pour contrer la réponse de douleur, qu’elle soit aiguë ou chronique.
La théorie du contrôle inhibiteur diffus nociceptif est également intéressante lorsqu’il est question de douleur. Elle veut qu’en provoquant une douleur, par une pression forte ou un toucher profond, il soit possible de faire appel à des mécanismes naturels de réduction de la douleur. En d’autres mots, un signal nociceptif déclencherait la libération de neurotransmetteurs (ex.: endorphines) qui, par leur effet diffus, bloquerait une douleur initialement présente, même à distance du point de stimulation. On combat le feu par le feu.
Il est évident que le massage, qu’il soit léger ou profond, a le potentiel de modifier la réponse du système nerveux et ainsi contrer la réaction découlant d’un stress physique ou psychologique. La massothérapie tire cependant avantage de son approche holiste, qui considère l’individu dans sa globalité. Bref, c’est par une intervention adaptée que le massothérapeute en arrivera à moduler l’activité du système nerveux.
Rédaction Katia Vermette
[1] Moraska, A. et coll. (2010). Physiological adjustments to stress measures following massage therapy: A review of the literature. Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine, 7(4):409-418. DOI 10.1093/ecam/nen029
[2] Maratos, F. A. et coll. (2017). The physiological and emotional effects of touch: Assessing a hand-massage intervention with high self-critics. Psychiatry Research, 250:221-227. DOI 10.1016/j.psychres.2017.01.066
[3] Lindgren, L. et coll. (2010). Physiological responses to touch massage in healthy volunteers. Autonomic Neurosciences: Basic and Clinical, 158:105-110.