Examen de la portée des connaissances sur les concepts du toucher et du massage et de leurs effets sur l’agitation et le stress des personnes âgées hospitalisées atteintes de démence

Corinne Schaub, Armin von Gunten et Diane Morin

Dans Recherche en soins infirmiers 2016/3 (N° 126), pages 7 à 23

Introduction

Cet examen de portée explore les nombreuses dimensions en jeu dans les interventions de toucher/massage prodiguées par les soins infirmiers. Ce type de synthèse de connaissances a été choisi car il permet de ratisser de manière systématique et itérative la documentation disponible et prendre une première mesure de l’envergure des travaux sur un phénomène donné (1). Les orientations suggérées par Arksey et Malley (2) ont été retenues ; cette synthèse utilise des repères théoriques afin de structurer un compte rendu narratif de la documentation existante. Le choix des articles inclus est basé sur leur pertinence ainsi que sur leur niveau de preuve mais aussi sur leur capacité de mettre en relief la complexité du phénomène du toucher/massage.

La stratégie de recherche documentaire a été réalisée sur les bases de données Pubmed et Cinahl en utilisant les descripteurs relatifs au toucher/massage, aux mécanismes physiologiques d’action, et aux effets sur l’agitation et le stress des personnes atteintes de démence, de même que sur les soignants qui l’utilisent. Des articles voisins ont été retenus selon leur niveau de pertinence. N’ont été considérés que les documents en français et en anglais. Les limites temporelles pour la sélection des méta-analyses et des études expérimentales étaient de 10 ans selon leur niveau d’intérêt et de preuve. Pour être retenues sans limite temporelle, les analyses du concept du toucher/massage devaient avoir démontré une méthodologie pertinente. Ainsi, plus de 250 sources ont été analysées selon ces critères et 116 ont été retenues. Pour des raisons éditoriales, seules 50 sources considérées comme les plus importantes sont référencées dans cet article. Les lecteurs intéressés peuvent demander de recevoir la bibliographie complète à l’auteure principale.

Théoriquement, la proposition qui soutient la construction de cet article est la suivante. Le toucher/massage procure des bienfaits aux personnes âgées souffrant de démence et d’agitation. En effet, l’agitation des personnes atteintes de démence, scientifiquement documentée pour être corrélée à l’inconfort, devrait s’atténuer lorsqu’est réalisé un soin (incluant soin non-pharmacologique – soin de confort) adapté à la situation, surtout si celui-ci est plusieurs fois répété. C’est ici qu’interviennent, lors de ces soins nécessitant un contact relationnel entre soignant et patient, les connaissances sur l’activation des différents modes d’attachement des personnes atteintes de démence. Ces modes d’attachement pourraient participer à expliquer la relative imprévisibilité des réactions lors de la réalisation d’actes habituellement considérés comme agréables comme cela a été développé dans notre premier examen de portée (3). Ces effets sont modulés par plusieurs déterminants ancrés dans les neurosciences médicales, les sciences infirmières, la psychologie et la sociologie. Ils peuvent avoir un impact favorable sur l’agitation en raison de ses effets biologiques sur le stress qui intervient dans la modulation des échanges sociaux (4). Il faut donc d’abord comprendre et tenir compte des caractéristiques neurophysiologiques de la peau et des dimensions sociales et émotionnelles en jeu lors des activités de toucher/massage. Puis, afin d’explorer l’ensemble des dimensions en jeu, les travaux sur le toucher et le massage développés par les sciences infirmières sont décrits. Ils sont suivis de l’examen des besoins en toucher des personnes âgées et de la perception de soignants à réaliser des contacts physiques auprès de cette population.

Quoique la synthèse de l’évidence relative aux besoins en contact physique et à l’effet du toucher/massage auprès des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs soit favorable à notre proposition, cet article propose des pistes additionnelles pour la recherche.

Les caractéristiques neurophysiologiques de la peau et les dimensions sociales et émotionnelles du toucher

La peau et le sens du toucher : des données des neurosciences médicales, de la psychologie et des sciences sociales

La peau remplit de nombreuses fonctions, et cet article va se pencher sur son rôle sensoriel en examinant spécifiquement les mécanorécepteurs en jeu dans le contact physique. Il s’agit de neurones sensoriels regroupés en deux groupes, les mécanorécepteurs cutanés et les propriocepteurs, tous deux sensibles aux déformations mécaniques. Les propriocepteurs sont composés des mécanorécepteurs musculaires et articulaires et renseignent sur la position du corps dans l’espace. Plus précisément, ils permettent de définir la position relative des segments corporels les uns par rapport aux autres. Les mécanorécepteurs cutanés sont ceux qui sont le plus en jeu dans le toucher. Une fois activés par une déformation mécanique ils vont fournir au cerveau – via la moelle épinière – les informations indispensables pour préciser les mouvements de la main et repérer les formes, tailles et textures des objets (5). Ce type de mécanorécepteurs est composé de plusieurs classes se distinguant par leur localisation, morphologie ainsi que par leurs réponses aux stimulations tactiles. Il s’agit des disques de Merkel, des corpuscules de Meissner, de Ruffini et de Pacini ainsi que les récepteurs pileux. Le phénomène de « transduction sensorielle » (5, p. 254) explique la transformation d’une énergie mécanique externe sur un récepteur cutané (par étirement ou déformation de leur membrane réceptrice) sur sa perméabilité ionique. Ainsi, selon leur type de terminaison nerveuse, les mécanorécepteurs vont traduire différemment les contacts physiques qui les ont stimulés. Mais tous les mécanorécepteurs sont innervés par des fibres de grand diamètre qui vont conduire rapidement les influx nerveux vers le système nerveux central (5).

Les disques de Merkel représentent au moins un quart des mécanorécepteurs de la main (extrémités des doigts). Ils sont sinon principalement situés sur les lèvres et les organes génitaux externes. Ils réagissent lors des sensations liées au pressions légères nécessaires pour coder les formes des objets manipulés par la main. Les corpuscules de Meissner sont de grands récepteurs et représentent environ 40 % des mécanorécepteurs de la main. Ils permettent de discriminer les textures des objets touchés par les doigts. Les corpuscules de Pacini, quant à eux, sont situés dans le tissu sous cutané (juste en dessus du derme) ou au contraire dans « des régions profondes du corps, comme les membranes inter-osseuses, les articulations et le mésentère » (5, p. 255). Ce sont des mécanorécepteurs très sensibles qui répondent à des déformations cutanées même de quelques microns ou à des vibrations (5). Leur champ récepteur est important et peut s’étendre à tout un doigt ou à une partie de la paume (5). Enfin, les corpuscules de Ruffini sont situés dans la partie profonde du derme et réagissent surtout à l’étirement de grandes surfaces. Selon leur type, ces mécanorécepteurs sont à adaptation lente ou rapide. La surface du corps n’est pas sensible de manière uniforme aux stimulations tactiles. Les zones qui discriminent le plus aisément des stimuli séparés de quelques millimètres sont la peau des doigts, la paume de la main ou le visage. En revanche, au niveau du tronc et des membres inférieures les sites de stimulations ne peuvent être discriminés que s’ils sont séparés de quelques centimètres (5, p. 259). D’autres auteurs ont identifié dans la peau glabre des pieds des mécanorécepteurs de tous types (principalement des corpuscules de Meissner et Pacini). Les zones de champs récepteurs de ces corpuscules sont trois fois plus grandes que ceux situées dans la main. Ils sont répartis au hasard sur toute la surface plantaire du pied (6).

Outre ses nombreuses fonctions physiologiques, le sens du toucher est utilisé comme un nécessaire et subtil outil de communication sociale. Il est essentiel pour créer l’intimité (5, 7) du lien social (7, 8). Le toucher et est en effet fortement associé à la transmissions d’émotions telles la colère, la peur, le dégoût, l’amour, la sympathie, la joie et la tristesse, qui se discriminent finement même sans contact visuel. Le toucher, dans les interactions personnelles, est considéré comme une voie privilégiée de communication donnant sens aux interactions sociales. Il va influencer les comportements et attitudes des individus pour la réalisation de certains services ou pour créer des liens entre les personnes ou des groupes par la communication des émotions de la même manière que la vue ou l’audition (9). La notion du degré de plaisir entretenu par le contact physique avec certaines parties du corps va amener l’individu à sélectionner ceux qui ont le droit d’y toucher (7). Ainsi, les conjoints sont en principe autorisés à avoir accès à toutes les zones corporelles de la personne. Ces zones deviennent plus limitées et interdites selon le degré d’intimité et de proximité entretenu avec la famille, les proches et amis, les inconnus et les étrangers. Elles vont varier en outre selon le sexe de la personne et être interprétée différemment selon le contexte de la relation. Ces travaux marquent l’importance de la communication non verbale lors des contacts sociaux (7).

Hypothèses sur les effets physiologiques du toucher/ massage

Le toucher affectif a été récemment étudié par résonnance magnétique fonctionnelle (IRM) afin de comprendre les mécanismes sous-jacents du cerveau lors d’un contact physique de type affectif. Les auteurs évoquent la découverte de la connexion des fibres tactiles-C (CT) présents sur la surface poilue de la peau avec le cortex insulaire. Ces fibres CT semblent bien répondre à un contact spécifiquement lent et doux, comme celui qui se produit au cours des interactions sociales avec des proches (10). Ces auteurs estiment qu’en raison de l’importance sociale de ce type de toucher, ce système CT serait un mécanisme évolutif essentiel pour un développement social normal. Ils ont cherché à savoir si d’autres zones du cerveau que l’insula sont impliquées lors de la stimulation de ces nerfs CT tactiles. Leurs travaux indiquent que lors de contact affectif sur le bras, de multiples zones cérébrales sont activées outre l’insula postérieure. Celles-ci incluent les zones impliquées dans la cognition et la perception sociale, y compris le sillon temporel supérieur postérieur droit et le cortex médial préfrontal et le cortex dorso cingulaire antérieur. Les auteurs relèvent, lors d’un contact physique sur le bras, une co-activation entre l’insula et l’amygdale gauche. Ces résultats caractérisent l’implication d’un faisceau de régions cérébrales sociales et émotionnelles, au-delà de l’insula impliquée dans le codage du toucher affectif (10). D’autres auteurs affirment que la stimulation tactile affective joue un rôle clé dans la maturation des circuits neuronaux. (11). Ils ont également utilisé l’IRM pour étudier les réponses du cerveau à de douces caresses chez des enfants sains (5-13 ans), des adolescents (14-17 ans) et des adultes (25-35 ans). Dans les trois groupes d’âge, le cortex somato-sensoriel primaire (SI), le cortex somato-sensoriel secondaire (SII), et le cortex insulaire et postérieur droit supérieur du sillon temporal (pSTS) ont été activés de façon significative et similaire dans tous les groupes d’âge. Les réponses dans le SII ipsilatéral étaient positivement corrélées avec l’âge dans les deux sexes, et les réponses dans les régions bilatérales près les pSTS étaient corrélés de manière fortement significative avec l’âge chez les femmes mais non pas chez les hommes. Ces résultats suggèrent que les mécanismes cérébraux associés aux deux aspects de discrimination sensorielles et de contact affectif/émotionnel sont en grande partie établies chez les enfants d’âge scolaire (11).

Hypothèses sur les mécanismes physiologiques plus spécifiquement en jeu dans la diminution du stress par le massage

Field a réalisé de nombreuses études expérimentales sur les effets spécifiques des massages auprès de prématurés. Elle présente, dans une revue d’écrits récente, des explications physiologiques sur les variations des taux de cortisol suite aux massages (12, 13). Cet effet paraît principalement se fonder sur les conséquences d’un massage à pression modérée sur l’activité vagale et la fréquence cardiaque. Selon l’auteur, le massage accroît l’activité vagale entraînant la diminution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. Ces modifications physiologiques diminuent la production du cortisol, même chez les personnes déprimées qui ont un taux très élevé de cortisol. Le massage diminue aussi le neurotransmetteur noradrénaline, également associé au stress. En outre, la sérotonine (antidépresseur naturel du corps) et la dopamine (un neurotransmetteur d’activation) paraissent augmenter à la suite d’un massage à pression modérée. Le massage a un effet également favorable sur la douleur et la fonction immunitaire.

Inversement, une diminution de l’activité vagale a été associée à une augmentation des niveaux de cortisol. D’autres auteurs évoqués par Field ont noté un effet inhibiteur de l’activité vagale sur la fonction hypothalamo-hypophyso-surrénalienne (HHS) et un ralentissement de l’augmentation des niveaux de sérotonine et de noradrénaline. (13). Pour expliquer ces résultats, l’auteur suggère que le massage stimule divers récepteurs cutanés sensibles aux pressions qui activeraient le système limbique et ses structures hypothalamiques impliqués dans la sécrétion de cortisol. En outre, les études anatomiques suggèrent que des mécanorécepteurs cutanés (plus particulièrement les corpuscules de Pacini) à l’intérieur et sous la peau transmettent des signaux au nerf vague (12).

L’auteur suggère également que la stimulation vagale électrique réduit les niveaux de cortisol chez les individus déprimés. Le massage modéré augmente l’activité vagale aussi bien chez les nourrissons que chez les adultes, diminue la fréquence cardiaque, abaisse la pression artérielle et réduit les niveaux de cortisol des prématurés. Un massage à pression modérée semble augmenter le débit sanguin cérébral dans plusieurs régions du cerveau impliquées dans la régulation thymique et du stress, y compris l’amygdale et l’hypothalamus. Ces données obtenues par IRM suggèrent que le massage à pression modérée implique la régulation hypothalamique de l’activité autonome du système nerveux, la sécrétion de cortisol et une activité limbique associée à la régulation des émotions. Un autre groupe qui a utilisé l’IRM a noté que le massage à pression modérée stimule le cortex cingulaire antérieur. Les chercheurs ont évalué quatre contextes tactiles différents, y compris le contact humain (avec ou sans mouvement) et avec un gant en caoutchouc (avec ou sans mouvement). La force et la vitesse étaient les mêmes dans chacun des contextes. La pression tactile humaine a été évaluée comme étant la plus agréable, en particulier lorsqu’elle était combinée au mouvement, et activait le plus fortement le cortex cingulaire antérieur (12-14).

L’auteur évoque également les études électro-encéphalographiques (EEG) auprès des personnes déprimées qui ont souvent une activité du lobe frontal droit plus importante que celle du lobe frontal gauche. Cette activation accrue du lobe frontal droit paraît associée aux émotions négatives et au retrait lors des comportements d’approche. Les individus chroniquement déprimés montrent un modèle EEG identique même quand leurs symptômes comportementaux ont disparu. Ainsi, l’hyperactivité du lobe frontal droit est considérée comme un marqueur physiologique pour la dépression chronique. Field note que l’activité du lobe frontal droit se déplace au lobe frontal gauche chez les adolescents déprimés et chez les adultes après une séance de massage de pression modérée même si celle-ci est courte (12). D’autres changements physiologiques après une séance de massage chez des personnes déprimées apparaissent, comme une activité vagale accrue qui est habituellement plutôt faible chez les individus déprimés.

Ainsi, une pression modérée semble être nécessaire pour une activation de l’activité vagale accrue et de ses effets (12, 13). Le massage léger ne suffirait pas pour stimuler les récepteurs à l’origine des processus biologiques qui diminuent le stress par l’activation du nerf vague. Une des études de l’auteur a évalué trois types de massage différents dans un échantillon d’adultes assignés au hasard à 1) une pression modérée (déplacement de la peau) par le massage, 2) à une pression lumineuse caressant légèrement la peau et 3) la stimulation vibratoire (à partir d’un massage vibrant baguette à main). Les scores d’anxiété ont diminué pour les trois groupes, mais le groupe de massage à pression modérée a montré la plus grande diminution de l’anxiété, la plus grande activité vagale et la plus grande diminution du rythme cardiaque. Des modifications de l’EEG ont été observés, y compris une augmentation de l’activité delta et une diminution des activités alpha et bêta, suggérant une réponse de relaxation. Le groupe de massage à pression modérée a également montré par un EEG un virage vers l’activation du lobe frontal gauche. Le groupe de massage par pression de lumière a en revanche montré une activation accrue de l’excitation, s’exprimant par une fréquence cardiaque augmentée et une diminution de l’activité cérébrale delta et augmentation de l’activité bêta. Le groupe de stimulation vibratoire a également montré une augmentation de l’excitation se manifestant par augmentation du rythme cardiaque et une augmentation de l’activité cérébrale alpha et bêta.

Un autre laboratoire rapporté par l’auteur relate qu’à la suite de massage à pression modérée, l’ACTH diminuait et que l’ocytocine augmentait Pour le groupe de massage, l’équipe de recherche a évalué les effets de 15 minutes de massage à pression modérée sur la partie supérieure du dos. Les participants du groupe de contrôle se reposaient pendant 15 minutes. Les comparaisons de pré et post valeurs sanguines ont suggéré des niveaux inférieurs d’ACTH, d’oxyde nitrique et de bêta-endorphine dans le groupe de massage à pression modérée (12, 15).

Modélisation neuro-anatomique des relations sociales

L’intérêt de mieux comprendre les interconnexions entre les effets du toucher sur des données biologiques comme le cortisol, les dimensions psychosociales et relationnelles du toucher et les modèles d’attachement des individus est soutenu par le modèle neuro-anatomique de Vrticka et Vuilleumier (4). Ces auteurs décrivent les mécanismes clés impliqués dans la perception et la régulation de l’information émotionnelle et sociale et évoquent des modulations individuelles en fonction des types d’attachement rapidement abordées ici, à retenir pour de futures recherches sur les effets du massage. Selon les auteurs, le réseau des composants de base de l’évaluation affective est relativement automatique par rapport aux processus cognitifs. Les auteurs supposent des effets de pondération selon les différents types d’attachement qui pourraient être influencés conjointement par l’apprentissage de nouvelles expériences ainsi que par les ajustements physiologiques de vecteurs biologiques comme la sérotonine, la dopamine, la vasopressine, l’ocytocine, les opioïdes et le cortisol. En outre, une influence réciproque plus complexe peut exister entre l’évaluation affective et les composants de contrôle cognitifs. Leurs conclusions vont ainsi dans le sens d’une amélioration possible des représentations mentales dans des situations d’expériences affectives d’attachement sécuritaires, en particulier pour les types anxieux. Ces travaux suggèrent donc des différences interindividuelles dans les mécanismes physiologiques régissant les interactions humaines sociales et affectives des personnes en bonne santé.

Ces auteurs relèvent que les premières interactions entre les enfants et leur figure d’attachement principale et les expériences sociales qui en découlent se combinent probablement avec certains facteurs génétiques qui deviendront partie intégrante de schémas personnels guidant les rapports aux autres. De profondes différences de comportement selon le type d’attachement privilégié (sécuritaire, évitant, anxieux ou désorganisé) peuvent se manifester (4). Ces traits de personnalité auront une forte et durable influence sur le traitement émotionnel et cognitif des informations pour comprendre les autres et interagir avec eux.

Leur modèle neuro-anatomique s’appuie d’une part, pour décrire les mécanismes neurologiques lors d’interactions sociales, sur un système d’évaluation affective rapide et automatique (mentalisation émotionnelle) qui est principalement impliqué dans l’évaluation du niveau de sécurité ou de menace lié à la situation sociale (4). D’autre part, ce modèle repose sur un traitement cognitif opérant sur un mode plus conscient (mentalisation cognitive) qui est impliqué dans la représentation des états mentaux d’autrui et dans la régulation de son propre comportement, pensées et émotions. Toujours selon Vrticka & Vuilleumier, ces composantes s’appuient sur des réseaux distincts du cerveau qui touchent essentiellement aux zones sous corticales limbique (amygdale, striatum, insula, cortex cingulaire, hippocampe) pour les évaluations affectives et aux zones fronto-temporelles pour la régulation de la mentalisation cognitive. Ces deux systèmes interagissent et se régulent mutuellement dans un équilibre dynamique réciproque. Selon le type d’attachement, les perceptions et comportements vont différer en terme de besoin d’attachement. Le type évitant va chercher à atténuer les évaluations affectives et manifester un comportement plutôt distant envers la figure d’attachement. Alors que le type anxieux va manifester des besoins d’attachement afin de réguler les perceptions affectives et sociales menaçantes. La régulation émotionnelle apparaît facilitée lorsque sont stimulés les systèmes de mémoires susceptibles de favoriser l’accès aux souvenirs de contextes d’attachement précédents. Pour les auteurs, ces nouvelles connaissances nécessitent d’être testées dans des milieux cliniques différenciés lors de vraies rencontres sociales (4). Cette recherche met donc en évidence que les interactions sociales et les émotions sont sensibles aux fortes modulations des typologies individuelles ce qui paraît selon les auteurs entre autres refléter le rôle clé de l’histoire de l’attachement d’une personne et donc de ses facteurs de prédisposition neurobiologique. En outre, d’autres auteurs relatent les connaissances sur la mémoire tactile indiquant que la représentation de l’information tactile interagit avec d’autres informations sur les attributs sensoriels (par exemple, visuel, auditif, kinesthésique) ainsi que les objets et les événements que les gens perçoivent (9).

Ainsi, nous suggérons que de multiples expériences tactiles positives et rassurantes sont en jeu dans la construction de relations sécurisantes, ceci aussi bien pour les patients que pour les soignants réalisant ces gestes. Ce phénomène complexe aurait à être étudié dans une perspective dynamique, prenant en compte les aspects physiologiques, psychologiques sociaux et environnementaux. Ces constats vont dans le sens des réflexions de Moyer (16) qui suggère d’associer ces différentes dimensions aux études sur les effets du massage sur le cortisol. Elles seront présentées en aval dans cet article. Vu l’usage particulièrement fréquent du contact physique dans une très grande partie des soins infirmiers, il est pertinent pour les sciences infirmières de développer des connaissances autour du toucher plus complètes et en même temps plus spécifiques aux populations étudiées. Concernant les personnes atteintes de démence, leurs particularités complexes d’attachement sont notamment à prendre en compte, surtout si elles adoptent des comportements d’agitation pour manifester des besoins émotionnels non satisfaits. Ces caractéristiques peuvent en effet compliquer la construction d’une relation de confiance entre soignants et patients, renforçant la détresse émotionnelle des patients. Les soignants sont de même à risque d’un désengagement auprès de cette population (3). Ainsi, les connaissances les plus probantes à ce jour en sciences infirmières sont exposées dans les sections qui suivent.

Synthèse des connaissances relatives au toucher/massage dans les sciences infirmières

Afin de mettre ces connaissances en perspective, sont résumées ici les analyses autour du concept du toucher/massage issues des sciences infirmières et des sciences de la réadaptation notamment la physiothérapie. Toutefois, à ce jour, aucun consensus théorique définitif ne se dégage autour de ces gestes pourtant inscrits au cœur des soins infirmiers auprès des patients à tous les âges de leur vie. Ces différentes connaissances vont donc être présentées de manière juxtaposée. Elles mériteraient d’être reprises et complétées afin de construire des modélisations adaptées aux divers types de populations soignées.

Le concept du toucher

Tous les auteurs distinguent plusieurs formes de toucher. Durant les années 1980-1995, on différencie surtout le toucher affectif du toucher instrumental. Gleeson en résume les points principaux dans sa revue d’écrits où il argumente que le toucher à visée émotionnelle est nommé parfois « toucher affectif », « toucher non nécessaire », « toucher expressif » ou « toucher qui prend soin » ou encore « toucher non orienté vers une tâche ». Ces types de toucher sont décrits comme visant à offrir du soutien affectif et du réconfort ou à accompagner une information verbale pouvant induire des émotions (17). Bruggen quant à lui suggère d’intégrer dans les gestes tactiles infirmiers un but d’une autre nature, de l’ordre du contact « pathique » qui manifeste l’intention du soignant de respecter l’intimité et les limites de la personne tout en amenant un réconfort affectif. Cette dimension peut apparaître aussi bien dans des gestes instrumentaux (prise des signes vitaux, injection, pansement, toilette) que dans des gestes de réconfort (toucher la main, le bras). Si ce toucher est réalisé sans connotation affective et ne vise que la réalisation d’une tâche pratique, l’auteur le définit comme étant de nature « gnostique ». Selon Gleeson, le toucher instrumental est nommé selon les auteurs « toucher instrumental » ou « toucher lié à une tâche » ou encore « toucher nécessaire » (17).

À cette même époque Bottorf (49) est un des premiers auteurs qui développe, sur la base d’une étude qualitative (analyse d’enregistrements vidéo de relations soignants/patients) une analyse plus approfondie du concept du toucher. L’auteur distingue cinq types de toucher dans les soins infirmiers : 1) le « toucher de confort » : ce type de toucher est calmant, rassurant ou encourageant et se manifeste en tenant, frictionnant ou en réalisant de légers tapotements sur la main, les bras ou les cuisses des patients ; 2) le « toucher de contact » : ce toucher cherche à établir puis maintenir une relation avec le patient ; le soignant cherche à attirer l’attention du patient ou à lui manifester sa présence ; 3) le « toucher de travail » : représente tous les contacts physiques nécessaires pour réaliser les soins que l’infirmière effectue avec ses mains mais aussi parfois d’autres endroits de son corps ; 4) le « toucher d’orientation » qui cherche surtout à expliquer au patient le processus ou le lieu d’une procédure réalisée sur son corps en pointant le doigt dessus ; et 5) le « toucher social » qui accompagne souvent des interventions comme une petite tape dans le dos ou sur l’épaule du patient afin de réduire les barrières. Sachant que son étude a été réalisée dans un milieu de soins aigus avec des patients sans déficit cognitif, ces résultats ne sont pas généralisables à tous les milieux de soins.

Chang, sur la base d’une analyse de la littérature et d’entretiens approfondis avec des professionnels de la santé, des patients adultes et des personnes en bonne santé a modélisé la structure conceptuelle du contact physique dans les soins (18). Elle recense les avis de plusieurs auteurs pour qui le toucher est une partie intégrante de la vie humaine. Le toucher est un élément universel et courant des interactions sociales. Les individus touchent et sont touchés et le contact physique représente une forme importante de communication. Il est une composante centrale de manifestation de bienveillance dans les soins infirmiers. L’auteur ne décrit pas les limites de son analyse conceptuelle mis à part qu’il s’agit d’une population sud-coréenne. Ces résultats ne sont donc pas généralisables mais donnent des pistes de recherche utiles pour d’autres contextes. L’auteur relève cinq buts au contact physique : la promotion du confort physique, du confort émotionnel, du confort corps-esprit, du rôle social du contact physique et le partage d’une certaine forme de spiritualité. Elle décrit dans son modèle les conditions nécessaires au contact physique chez le soignant et le patient en cas d’inconfort physique ou psychique, les buts du toucher, les comportements liés à la réalisation des interventions de contacts physiques et les conséquences du toucher. Ces différents points sont résumés dans son modèle théorique (figure 1).

Figure 1

L’auteur évoque trois préalables des conditions nécessaires au toucher : 1) une reconnaissance mutuelle d’un contexte social qui autorise le contact physique ; 2) La prise en compte des expériences préalables de toucher des patients et des soignants ; 3) une reconnaissance mutuelle de l’intention initiant le toucher. Il faut reconnaître que les graves difficultés cognitives des patients atteints de démence limitent cet accord mutuel. Les incontournables soins d’hygiène peuvent engendrer des réactions d’agressivité. Ces difficultés ne sont pas évoquées dans ce modèle alors que ce toucher nécessaire est à risque de provoquer des comportements d’agitation (19).

Campbell a mené son analyse du concept toucher thérapeutique avec contact physique selon Rodgers et fait émerger trois types de classifications (20) : le « toucher de confort », avec une intentionnalité de réassurance du patient, de lui offrir du confort physique et psychique par de la chaleur humaine malgré la nécessité des gestes techniques ; un « toucher exprimant la sollicitude du soignant » par un mode de communication non verbal afin d’améliorer le confort émotionnel des personnes avec des déficits cognitifs comme les personnes atteintes de démence et, le « toucher comme technique thérapeutique » comme le massage. L’auteure ne relate que brièvement les attributs de ces différents types de toucher. Elle relève dans les antécédents au toucher la nécessité de considérer la manière avec laquelle le patient ressent le fait d’être touché par l’infirmière et de tenir compte de plusieurs paramètres comme l’intensité de la relation entre le patient et l’infirmière, le sexe de l’infirmière, l’âge du patient et sa condition (culture etc.) (20). L’infirmière doit également évaluer la manière dont le toucher affecte la personne, conformément aux suggestions de Chang (18), et respecter les manifestations d’inconfort des patients en adaptant ses gestes (18, 20). Les conséquences du toucher doivent être positifs pour le patient, il doit se sentir plus rassuré et confortable, plus calme et se sentir au centre du soin.

Connor a modélisé le toucher intentionnel de confort et en nuance les contours (21). Elle évoque un continuum dans la réalisation du contact physique, allant d’un toucher non « conscient » à visée prioritairement procédurale (ou technique) à un toucher conscient, intentionnel et subjectif centré sur le patient. Elle nomme les multiples facteurs influençant la conscientisation et l’intentionnalité des actes de contact physique ainsi que les variables observables chez les patients et les infirmières. Son modèle résume bien les connaissances actuelles autour du toucher de confort dans les soins infirmiers (figure 2).

Figure 2

Malgré son intérêt, la structure de ce modèle est peu hiérarchisée et les différents attributs ne sont pas très développés. Il évoque en vrac les facteurs influençant les niveaux de conscience et l’intentionnalité du toucher lors des soins tels que les contraintes de temps, l’adéquation de la charge de travail des infirmières, l’intensité émotionnelle des besoins des patients, la gravité de son état, la préparation au toucher dans les formations de base des infirmières, la valeur attribuée au toucher dans les institutions de soins, le niveau de stress des infirmières, les ambiances de travail, un signifiant du toucher partagé dans le milieu du soin, la confiance avec le patient, un contexte social reconnu, les expériences passées autour du toucher, le feedback du patient (21). De même, les variables observables après un contact physique et concomitantes aux patients et aux infirmières ne sont pas thématisées alors qu’elles pourraient faire l’objet d’une analyse plus fine. Ces conséquences sont néanmoins importantes et correspondent aux expériences/ressentis des patients et à la satisfaction au travail des infirmières, à la personnalisation de l’expérience du toucher, au niveau de confort physique et psychique des patients et des soignants, à l’expérience de soulagement ou d’augmentation de la détresse émotionnelle et spirituelle, au sentiment d’être connecté ou déconnecté à l’autre, au sentiment de sécurité ou de peur, se sentir calme ou stressé, à l’amélioration ou à la perte d’estime de soi, à la perte ou au développement de la confiance qui vont influencer toutes les futures expériences du toucher (21). L’intégration aux soins infirmiers d’un toucher de confort intentionnel est pour Connor une partie importante et satisfaisante des soins. Sa revue d’écrits sur le toucher intentionnel et de confort indique que l’usage de ce type de toucher joue un rôle important dans la satisfaction au travail, améliore les résultats physiologiques et les expériences émotionnelles du patient et des soignants. Elle suggère d’accroître la sensibilisation des infirmières aux effets du toucher intentionnel, à leur valeur, et à l’intérêt de son usage lors des soins infirmiers afin d’encourager les infirmières à l’inclure dans les tâches de routine rencontrées dans leur journée. Elle relève la nécessité d’articuler, de discuter, et de renouveler le regard infirmier sur le confort tactile intentionnel de sorte qu’il puisse se déplacer de son invisibilité, souvent en marge de la pratique infirmière, vers le centre des soins aux patients (21). Elle n’évoque pas de limites à son étude qui pourrait faire l’objet d’un développement auprès des patients atteints de démence.

Le concept du massage

Le concept du massage n’a pas été approfondi dans la littérature infirmière et n’a fait l’objet d’aucune modélisation. Campbell ne l’évoque que brièvement dans son analyse du concept du toucher. Pour cet auteur, le massage constitue une composante du toucher thérapeutique. Il est décrit comme une manipulation des tissus mous du corps par une thérapeute, par une infirmière ou par une soignante ayant été formée au préalable (20, 21). Les effets du massage sont considérés comme multiples, aussi bien physiquement que psychiquement. La personne doit se sentir plus relaxée et plus alerte et l’auteur évoque des effets favorables du massage sur les systèmes musculaires, neurologiques, digestifs, respiratoires et endocriniens. Elle ne cite que peu d’études pour fonder ses observations et n’évoque pas de limites à ses travaux (20).

Ekerholt et Bergland, chercheurs en physiothérapie, ont réalisé, dans le cadre d’une étude qualitative de type « grounded theory », une dizaine d’entretiens auprès d’adultes ayant bénéficié de massages et souffrant d’anxiété, de dépression ou de troubles du sommeil. Les entretiens ont eu lieu plusieurs mois après la fin du traitement afin de ne pas entraver le processus thérapeutique durant la période des massages. Ces auteurs élaborent une modélisation identifiant trois thèmes majeurs. Le premier concerne l’expérience des patients qui décrivent, lors du massage, des perceptions ambigües vacillant entre un certain « plaisir » (sensations agréables du corps) et une « provocation » (sensations désagréables ou même douloureuses) (22, p. 139). Le fait d’être touché sur l’ensemble du corps a permis aux bénéficiaires d’adopter une nouvelle perspective et compréhension de leurs symptômes corporels, ce qu’ils interprètent comme un réel bénéfice thérapeutique. Le second thème décrit un sentiment d’ambiguïté entre perdre et prendre le contrôle lors du massage. Ce contact de peau à peau représente pour ces personnes un dialogue sans références linguistiques. Le contact avec les mains du thérapeute peut déclencher des réactions émotionnelles inattendues. Le bénéficiaire découvre alors le renoncement à un certain contrôle, ce qui représente quelque chose d’assez inconnu pour de nombreuses personnes. Le troisième thème concerne l’existence d’un dialogue intra et extra personnel par une combinaison du massage et du verbal. La verbalisation représente un élément important dans le processus thérapeutique. L’explicitation des sensations corporelles pourrait représenter la première étape d’une verbalisation émotionnelle ressentie comme plus réelle et plus tangible qu’une conversation juste verbale avec un psychologue (22) (figure 3).

Figure 3

Le massage paraît être un vecteur de stimulations sensorielles pouvant aider à activer des « patterns » non verbalisés de mémoires et de significations. Les interlocuteurs ont évoqué la prise de conscience que leurs expériences et sentiments dépendent de conditions externes, mais aussi de leurs conditions internes d’interprétation. La perception du corps facilite la perception et la verbalisation des souvenirs et l’apprivoisement des émotions. En partageant avec leur thérapeute leurs expériences relatives au massage, les patients développent un nouveau cadre de conscience et de réflexion utile à exploiter dans leur vie quotidienne. Les participants parlent d’un meilleur contrôle de leur respiration et de leurs tensions musculaires. À l’aide des expériences vécues lors des massages, ils apprennent à reconnaître leurs réactions corporelles dans différents contextes sociaux. Ils sont intéressés à développer une compréhension et une interprétation de ces réactions qui les aident à aborder une nouvelle façon de se connaître eux-mêmes (22). Cette étude mériterait certainement d’être réalisée en sciences infirmières dans d’autres contextes et populations, car elle reflète l’impact important du massage sur le processus thérapeutique.

Le concept du toucher/massage dans les soins apparaît donc comme un phénomène complexe touchant à de multiples dimensions. Les auteurs s’accordent sur des buts et des intentions différenciées selon les différents types de toucher et sur la nécessité d’un accord commun, explicite ou implicite, entre patient et soignant. La dimension de communication non verbale par le vecteur du toucher, les buts de réconfort émotionnel, de sollicitude et d’apaisement psychologique du toucher affectif sont constants dans toutes ces études. Sans réelle explicitation des schèmes d’attachement probablement activés d’un toucher affectif, les précautions à prendre lors d’un contact physique apparaissent en filigrane des écrits. Les buts et intentions des soignants lors du toucher affectif, les descriptions de ses conséquences pour le patient, comme l’atteinte d’un état de calme et d’apaisement, sont proches des descriptions des attributs d’un attachement sécuritaire décrit par Cookman pour les personnes âgées (23). Le toucher affectif paraît donc bien offrir les conditions de calme et d’apaisement, préalables nécessaires à la construction durable d’une relation de confiance.

Il est à relever qu’aucun de ces auteurs, dans cet examen des connaissances autour du concept du toucher, n’approfondit les conséquences d’un contact corporel perçu comme envahissant émotionnellement ou faisant irruption dans la sphère intime. Pourtant, dans la réalité clinique des soins, les patients et les soignants ont à faire face aux ressentis provoqués par la réalisation de gestes corporels touchant à l’intimité. Plus particulièrement, les patients atteints de démence peuvent dans ces situations avoir des réactions de catastrophe, de résistance ou d’agressivité envers lesquels les soignants sont parfois démunis. Ces auteurs n’évoquent pas non plus l’impact genre (homme ou femme) sur le toucher lors des soins, ni les processus à mettre en place pour réaliser les activités de toucher. Les travaux de Prayez sur le cycle du toucher peuvent être des pistes à développer empiriquement (24).

Besoin en toucher des personnes âgées et perceptions de soignants à réaliser des contacts physiques auprès de cette population

La littérature infirmière abonde sur les besoins croissants de toucher et d’être touché au moment de la vieillesse, mais peu d’études scientifiques récentes les documentent. La section suivante se base en partie sur la revue d’écrits que Gleeson publiait en 2004 et qui en précise les limites. Quoiqu’il regrette la faible qualité méthodologique des études répertoriées (17), à ce jour aucune autre étude ne documente aussi rigoureusement les perceptions du toucher des personnes âgées, et encore moins de celles atteintes de déficits cognitifs. Ce domaine devrait mobiliser des études de mises à jour de ces connaissances en sciences infirmières. Quelques recherches récentes issues des sciences humaines viennent compléter les données. Les points principaux sont rapportés ici pour les personnes âgées atteintes ou non de déficits cognitifs ainsi que pour les soignants qui réalisent les gestes de toucher.

Besoins en toucher des personnes âgées sans atteinte cognitive

Des constats biologiques démontrent une diminution des perceptions tactiles comme conséquence des modifications sensorielles liées à l’âge. Elles pourraient expliquer un besoin intensifié d’être touché lors du vieillissement (25). Toutefois, la multiplication d’expériences tactiles ne suffirait pas à préserver la diminution de l’acuité sensorielle. L’altération de l’image corporelle, le sentiment d’isolement et de rejet, la dépersonnalisation et la régression des personnes âgées dans les milieux de soins de longue durée peuvent aussi expliquer leur besoin d’être touché. En effet, le toucher affectif semble améliorer l’estime de soi des personnes âgées (26) et permet de transmettre des émotions prosociales universelles aussi bien par les proches que les étrangers.

Malgré la diminution des perceptions tactiles avec l’âge, celles-ci restent habituellement intactes au niveau des bras, des jambes et du dos de la main. Chez les patients âgés sans déficit cognitif, leur perception sociale du toucher varie selon la partie du corps ayant reçu un contact. Ainsi, avoir les épaules entourées par les bras des soignants semble inconfortable car considéré comme trop intime, comme l’est aussi, mais moins souvent, le toucher sur le visage et les jambes. Un toucher simple du bras est au contraire perçu comme agréable par les bénéficiaires. Le toucher considéré comme le plus confortable est celui réalisé sur le bras ou l’épaule par une femme, ceci aussi bien pour les hommes que pour les femmes âgées (17).

Sur la base d’une étude qualitative, la perception du toucher des personnes âgées lors des soins infirmiers est positive et décrite comme étant une expérience chaleureuse, gentille et confortable (17). Dans une autre étude quasi-expérimentale, le fait de recevoir un massage des mains augmente la perception du confort, mais pas significativement plus qu’une présence affectueuse (27).

Ainsi, la perception du toucher semble varier selon sa pertinence contextuelle, le respect du degré d’intimité désiré par le bénéficiaire et l’attitude respectueuse du soignant. Les contacts physiques ressentis comme négatifs sont en rapport avec un geste perçu comme trop intime ou trop éloigné des besoins individuels (28). En outre, les femmes auraient un seuil tactile plus bas que les hommes en raison d’un plus grand besoin de toucher et d’être touchées (17). Une infographie récente révèle la plus ou moins grande tolérance de contact physique selon les zones du corps, et les mains sont la seule zone corporelle où le contact est facilement accepté (7). Celle tolérance paraît varier proportionnellement à la proximité sociale entretenue avec l’interlocuteur. Si la relation sociale est proche, la surface et les lieux de contact physique seront plus grands. Au contraire, mis à part les mains, un contact physique avec des étrangers entraîne surtout de la gêne (7).

Besoins en toucher des personnes âgées atteintes de démence

Le toucher est un mode de communication non verbal privilégié pour entrer en contact avec les personnes âgées atteintes de démence, même avec déficits sévères (17). Selon les résultats d’une intervention exploratoire de toucher réflexologique auprès de cette population, ces personnes augmentent les comportements de recherche de communication avec les soignants, bénéfices visibles encore 15 minutes après la séance (29). Selon une autre étude, après quelques rencontres incluant un contact sur la main et l’épaule, les échanges sociaux entre patients atteints de démence augmentent. Ils se manifestent par un accroissement des interactions visuelles, des contacts tactiles et du niveau d’attention. Selon un autre auteur, la personne atteinte de démence cherche à recevoir une réponse « contenante » de la part du soignant qui s’occupe de lui pour répondre à son besoin d’unité corporelle et psychique, elle recherche un contact proche de ce qu’elle a reçu par une personne significative lors de sa petite enfance (30). Il est à relever que certaines formes de toucher pourraient au contraire être mal perçues et interprétées par ces patients comme une violation de leur espace personnel et devenir des antécédents primaires à l’agitation (31). Il apparaît néanmoins que les besoins réels de contact physique de cette population restent difficiles à déterminer et nécessiteraient des études complémentaires de mise à jour des connaissances (19).

Les effets du toucher/massage sur l’agitation et le stress des personnes atteintes de démence et les perceptions des soignants

Les effets du toucher/massage sur l’agitation des personnes atteintes de démence

Des recommandations d’experts, la littérature professionnelle infirmière, les revues systématiques les plus récentes sur les effets des approches non pharmacologiques sur l’agitation ainsi qu’une méta-analyse recommandent, entre autres approches, les approches sensorielles comme le massage des mains ou le toucher pour diminuer l’agitation des personnes atteintes de démence. Ces approches permettraient d’agir en fonction des seuils de stress individuels et des besoins singuliers. Elles auraient un impact favorable à la fois sur l’agitation observable des patients, sur leurs résultats physiologiques du stress (32) et sur la satisfaction des infirmières. Des revues systématiques centrées sur les effets des massages sur l’agitation ou sur d’autres paramètres physiologiques des personnes âgées sont résumées ici (32). Globalement, la plupart des études indiquent une plus grande diminution de l’agitation dans les groupes expérimentaux que dans les groupes contrôles, même si ces résultats ne sont pas toujours fortement significatifs.

Une de ces revues les plus récentes résume une étude retenue sur la base de l’outil de sélection « Validity Rating Tool » (33). Celle-ci rapporte un effet significatif du massage réalisé durant 6 jours sur l’agitation de patients atteints de démence (33). La revue fait état de 12 autres études qui ont été exclues car catégorisées comme méthodologiquement faibles ou pauvres. Mais ces 12 études rapportaient des effets favorables du massage sur l’agitation et surtout l’absence d’effets délétères du massage (34). Il est à noter que les protocoles les plus communs évoqués dans ces études proposent un massage allant de trois minutes pour le massage du dos, à 10 minutes pour le massage des mains.

Puis, une étude expérimentale longitudinale randomisée contrôlée, publiée ultérieurement à ces revues, réalisée auprès de 120 personnes, indique qu’aussi bien le massage que l’acupressure auriculaire améliorent de manière significative les comportements d’agitation et le sommeil des patients atteints de démence au troisième mois de l’intervention versus le groupe contrôle. Ces résultats restent significatifs deux mois après la fin de l’intervention. Ces interventions augmentent même la participation des patients exposés lors des repas et lors de leur séance de réadaptation, ceci jusqu’à deux mois après la fin de l’intervention (35).

À contrario, une autre étude expérimentale randomisée contrôlée très récente auprès de 55 personnes atteintes de démence indique une augmentation de l’agitation après un massage des pieds, même si elle est moins importante dans le groupe massage que dans le groupe contrôle recevant une présence calme (36). Selon l’auteur, la réalisation du massage par des assistants non familiers des patients ainsi qu’un contexte de changement des activités usuelles pourrait avoir contribué à l’augmentation de l’agitation. L’auteur relève néanmoins qu’aussi bien le massage qu’une présence calme améliorent les paramètres liés au stress comme l’activité cardiaque et la tension artérielle. Le groupe massage présente en effet une baisse plus importante du rythme cardiaque et de la tension systolique que le groupe contrôle, mais sans différence significative entre les deux groupes. L’auteur relève que même si ces résultats ne fournissent pas un appui solide pour l’efficacité du massage des pieds, il conclut que la proximité humaine est une condition pouvant en elle-même être déjà relaxante pour la personne atteinte de démence et améliorer les mesures physiologiques du stress liées au système nerveux autonome (37).

Les auteurs s’accordent sur le fait que plusieurs de ces études nécessitent un approfondissement scientifique sur l’efficacité des approches corporelles sur l’agitation en raison de certaines faiblesses méthodologiques comme la taille restreinte des échantillons (32, 34, 38), des conceptions méthodologiques peu claires pour la randomisation, l’absence de randomisation (32, 34, 38), le manque d’explicitation des protocoles (32, 34, 38), un manque de clarté des critères d’inclusion des patients, des raisons de ceux se retirant des études, des collecteurs de mesure non aveugles sur les types de traitement réalisés, des méthodes de recueil des consentements insuffisamment explicités, des contextes imprécis (34). Ces points auraient tous à être améliorés dans de futures études. Les auteurs suggèrent également de prévoir une meilleure gestion des variables environnementales (bruit, lumière, interruptions de soins) (38). De plus, le fait que ces études n’aient pas été déployées dans l’ensemble des contextes culturels, plaide en faveur de poursuivre le développement de la recherche dans ce domaine. En effet, les cultures locales et les dispositifs de soins sont des facteurs qui doivent être pris en compte pour améliorer le niveau de reproductibilité. Néanmoins d’autres auteurs déplorent le retrait de certaines études des méta analyses en raison de ces lacunes (39) malgré leur grand intérêt écologique et des « tailles d’effet » indiquant un effet favorable des massages sur l’agitation (39). Cet auteur suggère de construire des études sur les effets des approches non pharmacologiques dans les contextes pragmatiques des milieux cliniques sur la base de méthodologies adaptées à l’étude de phénomènes complexes comme l’agitation des personnes atteintes de démence (40). En effet, la récente étude de Moyle (36) tend à montrer qu’une intervention de massage réalisée auprès de ces patients sans tenir compte des changements provoqués dans leur quotidien et réalisé par des personnes inconnues sont des facteurs pouvant précipiter l’agitation.

Les effets du massage sur le stress des personnes atteintes de démence

Les effets positifs du massage sur l’agitation des patients atteints de démence pourraient s’expliquer par une diminution de leur stress, hypothétiquement relative à une diminution de leur anxiété et de leur détresse émotionnelle (composante inclue dans les plus récentes définitions de l’agitation) (41). L’anxiété engendre en effet une augmentation des paramètres biologiques du stress (42) et pour certains auteurs le stress est préalable aux comportements d’agitation des personnes atteintes de démence. D’un point de vue biologique, les hauts niveaux de cortisol chez ces patients semblent suggérer un stress élevé de ces patients. Ils sont probablement à l’origine d’une dérégulation de l’axe HHS. Celle-ci débute dès les premières atteintes et pourrait accélérer la progression de la démence (43). Les massages, en ayant un impact favorable sur l’anxiété, pourraient donc diminuer le cortisol après sa réalisation Des explications et hypothèses sur les mécanismes physiologiques des effets du massage sur le stress sont développées en amont de cet article (44).

Malgré les difficultés à objectiver le stress ou l’anxiété chez les personnes atteintes de démence, une étude récente a utilisé les échelles Doloplus2, Cornell et Campbell pour mesurer l’effet de l’acupressure auriculaire et du massage sur les variables de douleur, d’anxiété et de dépression de 111 personnes atteintes de démence réparties en trois groupes (massage, acupressure auriculaire et contrôle). Les mesures ont été réalisées chaque mois durant les cinq mois de l’étude, dont trois mois avec traitement et deux mois en post traitement. Les deux groupes, à contrario du groupe contrôle, ont montré une amélioration de la douleur et de la dépression avec des résultats meilleurs dans le groupe d’acupressure. L’anxiété était la variable la plus réduite après les trois mois d’intervention (44).

En raison de la rareté des études des effets du massage sur les facteurs biologiques de stress auprès des personnes atteintes de démence, les travaux évoqués ici, parus après ceux de Moyer (16), porteront sur des populations adultes atteintes ou non de déficits cognitifs. Selon cette méta analyse, la baisse du cortisol suite à un massage paraît très variable selon les études, allant de très fortement significative à non significative. Le massage semble efficace pour réduire le niveau de cortisol chez les enfants mais moins chez les adultes, même s’il est répété, et l’auteur suggère d’explorer d’autres pistes pour comprendre les effets favorables du massage cliniquement observés (16).

D’abord, une étude exploratoire quasi expérimentale en blocs croisés (cross-over) mais non randomisée, décrit les résultats de gestes répétés de massages ou de réflexologie de 20 minutes sur les pieds de 18 patients âgés atteints de déficits cognitifs modérés. L’auteur montre un effet significatif du massage des pieds sur la diminution du cortisol salivaire, ainsi que sur l’amélioration de la douleur et de l’humeur des patients traités (45). Puis, une étude pilote récente indique qu’un massage de 45 minutes dispensé au moins deux fois par semaine auprès de patients en bonne santé agit sur les niveaux de cortisol salivaire (baisse) et d’oxytocine (élévation). L’impact du massage est plus important qu’un toucher affectif effectué deux fois par semaine mais ces deux approches paraissent avoir de réels effets sur les marqueurs biologiques (46). Une autre étude préalable de ces mêmes auteurs montrait par contre qu’un massage unique n’a pas d’effet significatif sur le cortisol salivaire. L’intervention à moyen ou long terme serait donc plus efficace.

Ainsi, selon Moyer, les résultats très variables des études révèlent la nécessité de poursuivre les recherches sur les effets du massage sur les variables biologiques du stress. Les mécanismes de modulation biologique du stress en jeu lors de la réalisation de cette activité restent en effet encore incompris alors que ses effets favorables sur l’anxiété et la douleur sont avérés (16). L’auteur propose d’explorer parallèlement l’effet du massage sur d’autres branches du système nerveux à action plus rapide, par opposition à celui impliquant le système endocrinien d’action relativement lente, afin de déterminer les fondements biologiques des effets du massage. L’auteur estime qu’il sera peut-être nécessaire de construire des modèles explicatifs soulignant l’interaction de facteurs biologiques avec des processus psychologiques et sociaux associés au massage. Une approche de ces explications a été développée en amont dans cet article.

Perceptions des infirmières faisant usage du massage auprès de personnes âgées atteintes de démence ou non

Quelques études relaient les perceptions que les soignants ont lors des massages auprès de personnes atteintes de démence. Quand ils réalisent ces gestes, ils évoquent une amélioration des comportements d’agitation et expérimentent une diminution de leur sentiment d’impuissance face à la détresse de ces patients. La pratique de ces gestes modifie ainsi la représentation que les professionnels ont d’eux-mêmes. Ils se perçoivent avec une valeur intrinsèque accrue et cette expérience les transforme intimement (47). Le toucher leur paraît un outil efficace face à la souffrance des personnes atteintes de démence. Ce contact physique facilite la construction d’une relation de confiance, et leur permet de rejoindre le patient au-delà de sa maladie et des difficultés de communication. Le patient est alors perçu comme un véritable être humain souffrant (47). Une autre étude montre que pour les soignants le massage améliore la relation avec les patients même s’il demande du travail supplémentaire.

La majorité des soignants impliqués dans l’étude disent avoir effectué le massage avec plaisir et très peu n’ont pas apprécié ce soin. Les familles ayant participé ont également eu des expériences positives. D’autres études relèvent néanmoins qu’un soutien institutionnel est indispensable durant la durée de l’intervention au risque que les soignants se désengagent de l’étude en raison des variabilités et imprévus des horaires de travail et des dotations des équipes (27). Un processus d’intégration réaliste d’un tel geste dans les soins et un soutien de la motivation par la supervision des soignants paraît nécessaire pour introduire le massage des mains comme une routine de soins (27). Le massage des mains se révèle en effet comme un outil précieux pour améliorer le confort du patient. Il pourrait également être utilisé par les amis et membres de la famille auprès du patient. Les mains sont les seules zones de contact qui n’engendrent pas de gêne lorsqu’elles sont touchées par des étrangers (7). Le geste est simple à apprendre et à réaliser et prend peu de temps pour donner un sentiment de confort (8 minutes par main) (27).

Des études, principalement qualitatives, décrivent la signification que donnent les infirmières et autres soignants aux gestes de toucher dans les soins. Elles relatent l’intérêt à faire usage du contact physique lorsque la communication verbale est impossible ou lorsque le patient est anxieux (48). Plusieurs bénéfices sont rapportés, comme l’amélioration de la relation, du rapport de confiance et de l’attachement. Le toucher comme intervention thérapeutique est également décrit par les infirmières comme procurant à la personne visée un sentiment de sécurité, de confiance, et de meilleur calme. Le toucher affectif permet également d’établir un contact humain imprégné de confiance avec les personnes atteintes de démence et il semble qu’il faciliterait la réalisation des soins (19).

Une étude qualitative décrit notamment en quoi les représentations que les infirmières et les aides-soignantes ont de la démence et des personnes atteintes de démence affectent leur manière de toucher ces patients. Les soignantes des deux groupes décrivent cette maladie comme difficile, voire terrible. Elles font surtout référence à leur expérience quotidienne. Le patient atteint de démence est évoqué selon deux visions qui s’opposent. D’une part, il est décrit à partir de ses troubles qui l’amènent à avoir des comportements parfois étranges ne respectant plus les codes sociaux habituels. D’autre part, en même temps, il est décrit comme une personne à part entière malgré le risque de que sa maladie puisse amener à « ne plus lui reconnaître sa pleine dimension humaine » (19, p. 49). En s’appuyant sur des valeurs professionnelles humanistes, les soignantes semblent chercher à réduire la distance entre personnes bien portantes et celles atteintes de démence.

Dans cette même étude, les infirmières et les aides-soignantes mentionnent rarement spontanément leurs activités de contact physique car elles semblent implicites et intriquées dans leurs activités de soins. Quand on leur pose la question des intentions qu’elles ont quand elles touchent, les infirmières disent que le contact physique leur permet d’offrir du confort et de l’apaisement au patient et leur permet de construire une relation sur le long terme. Le toucher facilite également la collaboration du patient. Les aides-soignantes ont un rapport au toucher prioritairement fonctionnel, réservant les contacts affectueux lorsqu’elles sont disponibles après avoir terminé ce qu’elles considèrent comme leur travail prioritaire, à savoir les soins d’hygiène. La gestion des situations complexes d’agitation est une tâche que les aides-soignantes estiment réservées aux infirmières. Le toucher est alors utilisé par ces dernières comme un moyen de prévenir une crise ou pour apaiser le patient. Il reste que les situations aigües d’agitation sont perçues comme des situations difficiles fréquemment évoquées par les deux groupes de soignantes. La manière d’y faire face est en correspondance avec le statut d’emploi. Les infirmières cherchent à comprendre ce qui se passe et vont utiliser des approches variées pour calmer le patient. Elles utilisent l’observation afin de mieux comprendre la situation et développer des stratégies adaptées. Les représentations que les soignantes ont de leurs rôles, fonctions et compétences paraissent déterminer à la fois leurs intentions lors du toucher, le choix des gestes, le choix des situations de soins où le toucher est possible. Leurs représentations et leurs craintes déterminent de même la manière d’en faire usage dans les situations de comportement d’agitation. Elles peuvent en outre ressentir de la répulsion et du dégoût face au corps de ces personnes âgées ou quand ils ont des comportements désinhibés, mais n’en parlent que lorsque la question autour d’un toucher plus difficile est posée. Les aides-soignantes ont plus de difficultés que les infirmières à gérer les émotions de dégoût ou de gêne ressenties. Elles vont le plus souvent se protéger en initiant une distance émotionnelle ou esquivant le soin. À travers leur manière de parler du toucher, il s’avère que les soignantes décident de manière auto-référencée la réalisation d’un contact physique affectif. Il s’agit pour elle d’une affaire individuelle qui n’a pas à être régie par l’institution. Cette représentation du toucher affectif est à risque de provoquer de l’iniquité envers les patients ayant des comportements désinhibés ou dont le corps ou la peau pourraient provoquer une certaine répulsion. À contrario, les soignantes pourraient dispenser préférentiellement du toucher affectif ou même des bisous auprès des personnes avec qui l’affinité personnelle est plus marquée, de manière à presque prendre un relais affectif lors de l’absence de la famille. Les soignantes paraissent ainsi vaciller entre deux rôles contradictoires, celui de soignante professionnelle mais aussi celui de substitut affectif (19).

Synthèse des connaissances et conclusion

En synthèse, les besoins en contact physique des personnes âgées atteintes de démence et hospitalisées semblent avérés, non seulement du fait des pertes sensorielles déclinantes à cet âge de la vie, mais aussi en raison des sentiments de solitude et de rejet perçus par ces patients dans les milieux de long séjour. Les contacts physiques respectant les limites individuelles d’intimité des personnes âgées sont généralement appréciés et peuvent aisément être réalisés sur les mains et les avants bras, même par des étrangers. Ils participent à améliorer l’humeur et l’estime de soi de ces personnes.

Les besoins en toucher sont plus difficiles à documenter chez les personnes atteintes de démence, mais les quelques études analysées indiquent une augmentation des comportements sociaux après un contact physique. Il semble vécu comme contenant et sécurisant, et pourrait ainsi participer à la construction d’une mode d’attachement sécuritaire avec le soignant. Néanmoins, un toucher qui serait ressenti par ces patients comme envahissant ou trop intime pourrait déclencher de comportements d’agitation comme le prévoit le modèle de Kong, qui considère les contacts physiques inappropriés comme des antécédents primaires de l’agitation. Ces constats ont été développés dans l’examen de portée préalable à celui-ci (3). Il reste que la qualité méthodologique des études répertoriées, déjà anciennes, est variable. Le champ de l’étude du toucher auprès des patients âgés atteints ou non de déficits cognitifs serait à poursuivre et à développer en sciences infirmières.

Les infirmières s’accordent pour dire que le toucher réalisé auprès des personnes âgées les apaise et favorise la construction d’un lien de confiance. Néanmoins le toucher auprès de celles atteintes de démence qui ont des comportements d’agitation n’est pas toujours facile. Il paraît modulé par leurs représentations de la maladie, des personnes qui en sont atteintes et par les nécessités de leur rôle professionnel auprès de cette population (19). Les infirmières utilisent divers types de toucher auprès de ces patients avec des intentions différentes. Elles utilisent le toucher affectif pour réconforter et accompagner le patient, mais aussi pour établir un contact relationnel facilitant la participation active du patient à la réalisation des soins. Le toucher est parfois employé par les infirmières pour prévenir les comportements d’agitation, mais elles y renoncent si l’agitation est trop importante. Elles adoptent alors des stratégies de diversion. Les aides-soignantes utilisent principalement le toucher affectif une fois que les autres tâches qui leur sont prioritairement allouées, à savoir l’aide pour les soins d’hygiène, sont terminés. Elles sont moins à l’aise à en faire usage auprès des personnes très agitées ou ayant des comportements socialement inadaptés, comme la désinhibition sexuelle. La décision d’utiliser ou non le toucher affectif est une décision auto référencée et non institutionnelle. Elle semble dépendre des affinités personnelles avec le patient, au risque d’engendrer des soins inégalitaires avec les autres patients. Les soignants des institutions de long séjour naviguent ainsi, parfois avec difficulté, entre leur rôle de suppléance pour des soins d’hygiène parfois répugnants et celui d’une discrète substitution affective quand la famille n’est pas là (19).

Les connaissances autour des concepts du toucher et du massage en sciences infirmières permettent de différencier différents types de toucher et leurs intentions associées. Plusieurs auteurs ont tenté de modéliser ce concept, mais à ce jour ces modèles cohabitent et sont peu exploités dans l’enseignement en raison probablement de leur hétérogénéité. Les modèles les plus aboutis en sciences infirmières sont ceux de Bottorf (49), Chang (18), Campbell (20) et Connor (21). Ces différents modèles décrivent des préalables au toucher assez similaires, tels l’accord avec le patient, et des conditions sécurisantes de réalisation des gestes. Ils énoncent de même des buts similaires au toucher affectif, à savoir l’apaisement et le confort physique et émotionnel des bénéficiaires. Plus particulièrement, le modèle de Connor (21) intègre l’infirmière et ses perceptions. Il décrit le continuum entre un toucher de confort inconscient à un toucher conscient mobilisant aussi l’affect et l’engagement humain du soignant. Au vu de ces connaissances cohérentes entre elles malgré leurs limites, il est crédible que ce type de toucher puisse affecter favorablement les préalables d’un rapport de confiance puis d’attachement entre patients et soignants.

Aucun modèle infirmier n’a à ce jour approfondi de modèle conceptuel relatif au massage. Les travaux d’Ekerholt et Bergland (22) sont pourtant révélateurs des dimensions fortement relationnelles en jeu dans le massage qui favorisent un retour sur soi-même perçu comme thérapeutique. L’ensemble des travaux amenant aux modélisations conceptuelles ont été réalisés auprès de populations culturellement diversifiées, dans des contextes de soins différenciés et auprès de personnes aux aptitudes cognitives plus ou moins conservées. Ces travaux sont à actualiser et à approfondir dans des milieux spécifiques et variés afin de modéliser et d’affiner les approches de toucher selon les populations et contextes étudiés. Notamment, les situations difficiles de toucher et les manières des soignants d’y faire face sont encore à étudier. De même, les manières de toucher, les procédures utilisées selon les divers types de toucher et les différences entre les hommes et les femmes soignants sont peu connues.

Les résultats des études sur les effets des massages auprès des personnes atteintes de démence montrent une diminution de l’agitation, de manière plus ou moins avérée selon les études dont les qualités méthodologiques sont parfois discutables. Elles souffrent d’un manque de clarté contextuelle, de précision des protocoles utilisés, et les randomisations sont parfois lacunaires (38). Mais les auteurs et les experts se rejoignent pour constater un effet globalement favorable des massages sur l’agitation. Des variations inhabituelles de l’environnement social et relationnel des patients inclus dans l’étude (gestes réalisés par des assistants de recherche par exemple) peuvent augmenter leur agitation et se révéler des sources potentielles de biais (36).

Les effets du massage sur les paramètres biologiques du stress des bénéficiaires sont encore peu concluants selon une méta-analyse de 2010 (16). Des études plus récentes rapportent néanmoins des effets significatifs du massage sur la diminution du cortisol quand il est réalisé de manière répétée durant une certaine période, en conformité avec le modèle du confort de Kolcaba (50) discuté lors du premier examen de portée (3). Le cortisol étant un indicateur fiable du stress et de l’anxiété, il reste pertinent et fondé d’en poursuivre l’étude dans les milieux cliniques. Il s’agirait de documenter l’effet du massage auprès de diverses populations dans des contextes variés, bien décrits, en tenant compte des facteurs environnementaux et sociaux. L’auteur de la méta-analyse suggère d’associer la mesure du cortisol à d’autres paramètres du stress touchant à d’autres branches du système nerveux, comme le système nerveux autonome (16).

Les soignants qui réalisent des massages auprès de personnes atteintes de démence rapportent des expériences émotionnellement fortes et gratifiantes. Ils perçoivent une amélioration de leur sentiment d’impuissance face aux manifestations de détresse émotionnelle de leurs patients (47). Mais un cadre de supervision et de soutien durable apparaît nécessaire pour favoriser une continuité dans la participation des soignants à ce type d’étude dans les milieux de soin. Des travaux sur le type de soutien à apporter aux équipes lors d’une telle intervention permettraient d’identifier les ressources et difficultés des soignants face au toucher, leurs stratégies quand il est difficile à réaliser ainsi que leurs besoins émotionnels. De telles études encourageraient un usage plus uniforme du toucher affectif qui reste pour le moment une activité surtout auto-référencée, en rapport avec les affinités personnelles des soignants envers les patients.

Les connaissances neurophysiologiques de la peau, et plus particulièrement les différents types de mécanorécepteurs cutanés, indiquent qu’ils sont mécaniquement stimulés, selon leur spécificité, par la pression, l’étirement ou la vibration. Ils sont particulièrement présents dans les mains et dans les pieds, mais leur pourcentage, selon le type de mécanorécepteur, diffère sur ces deux zones (5, 6). Cette observation pourrait expliquer les raisons d’inclure les mains ou les pieds dans les protocoles de massage. Les mains sont particulièrement faciles d’accès et leur contact socialement acceptable dans toutes les cultures.

L’étude des effets physiologiques du toucher affectif sur les zones cérébrales indique l’activation des zones concernées par les émotions et les rapports sociaux (10, 11). Le toucher apparaît fortement soumis à des contraintes individuelles, contextuelles et culturelles (7). Des études en psychologie démontrent que le toucher véhicule de manière subtile mais très précise des émotions très diverses, discernables sans nécessité de contact visuel (8, 9). En raison de la relative préservation de leur système limbique, il paraît crédible que les personnes atteintes de démence aient encore l’aptitude de discerner dans les gestes des soignants leurs intentions véhiculées. Des intentions bienveillantes et chaleureuses pourraient faciliter l’apaisement de ces patients et poser les bases de construction d’une relation de confiance.

Ces différents travaux sont appuyés et confortés par ceux issus d’une revue de littérature de Field (13) montrant l’impact d’un massage à pression modérée (12) sur des zones cérébrales concernées par les émotions et sur des données biologiques en rapport avec le stress, l’humeur et l’attachement. Ces travaux paraissent majeurs pour comprendre les effets physiologiques du massage ou pour émettre des hypothèses à vérifier dans de futures études.

Les effets multiples et combinés du toucher et du massage, touchant aussi bien à des composantes physiologiques, psychologiques que relationnelles sont appuyés par un modèle récent des effets biologiques mobilisés lors des interactions sociales (4). Celui-ci met en jeu les divers types d’attachement et éclaire les phénomènes multiples et dynamiques entre les domaines affectif, cognitif et biologique en jeu dans la régulation émotionnelle. Celle-ci paraît plus aisée lorsque certains systèmes de mémoires en rapport avec des contextes anciens d’attachement sont activés. Pour les auteurs, ces nouvelles connaissances nécessitent d’être testées dans des milieux cliniques différenciés lors de vraies rencontres sociales. Le toucher pourrait donc être un vecteur d’activation de comportements d’attachement particulièrement intéressant à étudier.

Pour conclure, au vu de la variété de connaissances mobilisées et résumées dans cet article, le toucher apparaît comme un phénomène complexe avec de multiples dimensions interconnectées, aux confins des diverses sciences brièvement explorées dans cet examen de portée. Les avancées des technologies médicales diversifient les différentes voies d’étude autour du toucher. Les résultats issus de ces différentes disciplines paraissent converger vers une cohérence de résultats s’éclairant mutuellement dans une direction similaire. Le toucher est un exemple privilégié d’études interdisciplinaire mobilisant des paramètres aussi bien biologiques, psychologiques que sociaux et environnementaux. Ces différentes caractéristiques sont très certainement en jeu dans la construction d’une durable relation de confiance pour les personnes atteintes de démence. Néanmoins, selon le modèle biologique de Vrticka et Vuilleumier (4), de multiples expériences affectives positives paraissent nécessaires avant d’observer une amélioration de leur stress et une diminution de leur agitation. Ces constats sont en conformité avec le modèle du confort de Kolcaba (50) et le concept d’attachement (3, 23).

Références

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